NYLD : New York Loubavitch Department

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On connaît tous Scotland Yard pour la réputation planétaire de flair des limiers britanniques, et la Maison Blanche comme résidence où habite l’homme le plus puissant du  monde. Pour les Loubavitch (nos militants à plein temps du retour à la religion), qui de Katmandou à Rio, en passant par Nairobi et Paris, chapeaux vissés sur la tête, sont quasiment partout sur cette planète, l’adresse qui a toute leur tendresse est le 770 Eastern Parkway à Brooklyn, à quelques stations à peine en subway new-yorkais de Manhattan. Pour juger sans préjugés, immersion totale dans leur quartier général.
 

 
Posées et déposées telles des balises, des valises de toutes les tailles et de toutes les couleurs ; c’est ce qui frappe dès qu’on accède à l’essaim des saints. Comme si, en cette matinée glacée du 29 janvier (- 7° ce jour-là), fraîchement débarqués de l’aéroport JFK, la première occupation et préoccupation des fidèles était de se ruer en masse pour rêver et révérer le Rabbi de Loubavitch. Un nom dont la racine aurait pour origine le terme russe Liouba (amour). Ils le tiennent pour l’homme irremplaçable et donc jamais remplacé religieusement dans la mémoire de leur histoire. Ils sont venus et ont même accouru de chaque grande communauté dans toute leur diversité. Ils viennent d’abord de tous les 50 États présents sur la bannière étoilée. Mais beaucoup arrivent aussi par le tout dernier vol en provenance de Paris. Normal, ce jeudi matin est une date mise en lumière de manière particulière. Dans le calendrier des fêtes, le 10 du mois de Shevat représente le jour où le Rabbi a officiellement commencé à assumer ses responsabilités de chef spirituel.
 

 
«Être présent aujourd’hui va me donner des forces spirituelles et… professionnelles », explique au milieu de la maxi-synagogue grande contenance, mais pourtant débordée par l’affluence, David, un technico-commercial en bureautique âgé d’une trentaine d’années. La plupart des personnes présentes considèrent qu’être là pour cette échéance est une chance immense. À l’instar de Yoel, un surdoué, déjà titulaire à 21 ans d’un 3ème cycle de finances délivré par l’université de Paris IX Dauphine et Baal Teshouva (un «repentant»), qui a décidé de faire une pause dans son parcours  universitaire éclair pour se consacrer à l’étude des textes du maître à penser. Ou de Saadia, new-yorkais pure souche portant barbe et tsitsiot (tissus à franges) dépassant du pantalon, et adepte d’une activité à très haute intensité, le «parkour». Une discipline 100% adrénaline, devenue culte depuis le film de Luc Besson Yamakasi, et consistant à faire de la ville un super terrain de jeux en grimpant sur les toits, en rebondissant sur les murs et les clôtures, tel un félin humain en milieu urbain. Pour ce Yamakasi zélé et zélote, « l’extrême mobilisation physique des sensations nécessaires pour pratiquer son hobby favori sans trop de danger» (il se remet tout juste de fractures multiples) «est tout à fait comparable à la très grande concentration intellectuelle indispensable pour comprendre et apprendre du Rabbi ».
 

 
Dans le sanctuaire, celui qui met en musique ce moment voulu pour être vécu d’une façon unique, c’est Israël-Moshé. En tête d’un cortège qui se soucie peu de solfège, monture de lunettes rafistolée mais démarche affirmée, ce clarinettiste rustique au look vintage d’un personnage de Chagall joue à tue-tête « Yehyé adonnénou » : que vive notre maître. Un refrain repris en chœur et avec cœur par l’assistance.
 

 
À l’extérieur, dans Kingston Avenue, rue principale du quartier de Crown Heights, dès que l’on sort, on est saisi par le décor. Quelque part entre le plateau de la comédie musicale Un violon sur le toit, la Jérusalem d’aujourd’hui et l’American way of  life revu et relu par les Loubavitch. Côté reconstitution du schtetl ( le petit village typique des juifs d’Europe de l’Est), on remarque de suite les fidèles qui entament des discussions talmudiques animées sur le trottoir et le vieux schnorrer (mendiant, en yiddish) assis sur son banc glacial, chapka enfoncée jusqu’aux oreilles, qui attend patiemment la charité et la bonne volonté des passants.
 

 
Côté Jérusalem, toutes les enseignes des magasins sont en anglais et en hébreu. Les tentations se situent dans les propositions de dégustations casher suggérées par les vitrines des restaurants, épiceries et autres pâtisseries. Tandis que les boutiques de prêt-à-porter féminin, en mettant en valeur la pudeur, sont plus orientées mode de vie que vie de la mode.
 

 
Enfin, côté American way of life revu et relu par les Loubavitch, immédiatement et instanément reconnaissable à son modèle si particulier et à sa couleur jaune, c’est le School Bus customisé école juive et la limousine king size aux plaques d’immatriculation “Mazal Tov” en lettres XXL.  Le collecteur de fonds pour des causes caritatives, harangue la foule en précisant bien qu’il accepte le cash et les cartes de crédit. Dans le mikvé (bain rituel) – entrée avec carte d’abonnement, et paiement en ligne sur un site Internet dédié – se côtoient des corps de tous âges, dont certains arborent des témoignages en forme de tatouages (séquelles d’une autre vie ?).
 

 
 

 
C’est avec le Ohel ( le mausolée), où reposent tous les grands personnages de la dynastie, que l’on achève le tour de la galaxie Loubavitch 2.0. Bornes tactiles à l’entrée et service de confirmation par e-mail que le petit morceau de papier sur lequel on a griffonné une demande au Tout Puissant a bien été déposé. Interrogée sur la nécessité de passer par un intermédiaire pour s’adresser au Très Haut, Sarah, une avenante secrétaire installée sur place, mais ayant toujours vécu à Paris, affirme que «passer par des hommes aussi saints garantit un traitement prioritaire de sa demande ».
 

 
Et précautions supplémentaires en plus de la protection divine, un imposant et important dispositif des forces de l’ordre est mis en place dans le quartier. En faction devant un magasin d’articles religieux, quand ils apprennent que je viens de Paris, (apparemment l’effet des manifestations du 11 janvier post-attentats Charlie et Hyper Casher se fait aussi ressentir à Brooklyn), Josh, Bill et Kim, 3 policemen, me donnent une chaleureuse accolade et me gratifient d’un «sorry for you» très sonore. Bien évidemment, le 770 Eastern Parkway, lieu mythique et mystique du mouvement, a droit à des policiers en véhicules blindés. Tout ce déploiement est-il générateur d’un climat d’angoisse ? Pas vraiment, la vie est plutôt paisible à Crown Heights. Quant aux très éventuelles menaces… Quasiment unanimes, tous ceux à qui je pose la question ont une certitude face aux incertitudes : «We want Mashiah now ! (nous voulons le Messie maintenant !)».
 
Lionel Szapiro
Copyright photos : Lionel Szapiro

Article publié le 9 mars 2015. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2015 Jewpop
 

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