Salons du livre juif : guide de survie à destination des auteurs

9 minutes de lecture

 
 

J’aime bien les salons du livre juif (le prochain a d’ailleurs lieu à dimanche à Neuilly). La rencontre écrivain – lecteur est pleine de surprises, surtout quand toi, ami auteur, tu te retrouves en face d’un de ces 5 spécimens, malheureusement pas en voie de disparition.

 
 

1 – Le mec qui en veut pour son argent : alors, lui, comment te dire… Il a ses propres critères. Il juge un livre à deux choses : la couverture et le poids. Il peut dire à Serge Klarsfeld : «Pourquoi y a pas votre tête en couverture, ça fait vendre ça, les gens adorent, ils s’identifient», avec le sérieux de DSK qui donne des conseils à la MNEF. En regardant le nombre de pages, il te lancera « 154, vous ne vous êtes pas trop foulé, dites donc… ». Fin commerçant, il te précisera que « à 4 mètres, y a un mec qui a pondu 3 tomes de 456 pages chacun ». Ne tentez pas de faire valoir que le nombre de pages n’est pas gage de qualité, ne rentrez pas dans le long processus de maturation et d’écriture, mettez-vous au niveau de ses arguments et répondez-lui, en pointant du stylo sa femme : « Avec le prix de la robe Sandro ras la touffe de Madame, ma couturière, après un passage au marché Saint-Pierre, la rhabillera jusqu’à l’hiver 2054 ».

 
 

2 – L’aspirant-écrivain : Il a annoté ton livre comme un chroniqueur de Laurent Ruquier dans «On n’est pas couché». Il tournera autour du pot quelques minutes en t’expliquant «Moi aussi j’écris, j’ai un exemplaire sur moi. Dédicacé of course. Entre confrères, c’est normal». Tu te retrouveras avec dans la main un livre édité à compte d’auteur. Il poursuivra par «Vous verrez, c’est une idée assez originale. C’est même du jamais vu. Alors, comment vous résumer ça ? Disons que c’est l’histoire d’une petite fille cachée pendant la guerre qui se raconte dans un journal intime». Face à votre scepticisme, il enchaînera, piqué à vif, «Ça a déjà été fait ? Ah non je ne crois pas. Ça m’étonnerait. Anne Frank ? Non, connais pas… C’est une amie à vous ?».

 
 

3 -Le touriste : Il ne fait que passer. Il emmène les gosses au foot. Résultat, il est en jogging et il a le ballon sous le bras, sinon les petits s’en servent pour péter le rétro. Il regarde un peu partout comme s’il cherchait la sortie. Il finit par se diriger vers toi et t’assène : «Je sais que c’est pas vous, mais vous pouvez me dédicacer le bouquin de Claude Lanzmann, y a 30 minutes d’attente, je suis garé en double file». Classe, il vous guidera sur le chemin du faux en écriture, en vous dictant : « A toi, mon très cher Roland » avant de conclure, «vous faîtes juste un zizi là, genre». Autres spécimens comparables :

– Le mec qui te demande si y a une prise derrière ta chaise pour brancher son portable.

– La femme qui te demande de surveiller son fils 3 minutes et 12 secondes le temps d’aller faire pipi.

– Le vieux monsieur qui pose une fesse sur ta table en justifiant «Comme y a personne qui vient acheter votre livre, ça dérangera pas. Vous êtes gentil».

 
 

4 – La femme qui refait son arbre généalogique : elle a confondu «salon du livre» et «Amicale des anciens algérois». Elle a montré sa carte de la Cotorep pour griller la priorité à un monsieur plus âgé qu’elle. Elle parle très fort, elle trouve qu’il fait très chaud et se sert de votre bouteille d’eau pour se rafraîchir un peu. Elle vous sourit de toutes ses dents avant de vous annoncer, avec le même suspens que si elle révélait les numéros du loto : « Je suis la nièce de votre cousine par alliance ». Trente-six minutes plus tard, elle a sorti toutes les photos, fait 3 croquis de la ville d’Oran. Toi, les nerfs à bout, tu abdiqueras en lui disant, te croyant sauvé : «Oui effectivement, c’est moi». Peine perdue, la dame se jettera dans tes bras en hurlant, à l’attention de son mari, «Tu vois Armand, j’avais raison !». En te pinçant la joue, elle conclura : « Alors je t’en prie, sans te commander,  donne-moi le portable de Mauricette, la fille de mon cousin Babot ».

 
 

5 – Le mec qui a le souci de SA vérité : tu as écrit un roman ? Pas de bol, il  a enlevé le mot «fiction» de son vocabulaire. Ton livre évoque  «une amitié entre un juif et un arabe», il te prouvera par A + B que c’est IMPOSSIBLE. Tu lui expliquera que tu es écrivain pas historien, il conclura par «Ouais mais moi, la science-fiction, c’est pas ma tasse de thé». Tu as signé un livre sur la diplomatie européenne au Proche-Orient ? Il s’étonnera que tu n’aies pas consacré un chapitre «Au rôle prépondérant d’Hachem, Hakadoch Baroukhou, pivot de ce miracle permanent qu’est Israël». Si ton dernier ouvrage décrypte le programme politique du Front National, il se rapprochera de toi, un peu comme s’il cherchait à te rouler une pelle, pour te souffler à l’oreille «Entre nous, sur les Arabes, ils ont un peu raison, non ?». Ouais je sais, t’aurais préféré une pelle.

 
 
The SefWoman*
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
 
* ndlr : Virginie Guedj-Bellaïche, aka The SefWoman, sera présente au Salon du livre de Neuilly Ancelle (44 rue Jacques Dulud, Neuilly sur Seine) dimanche 15 novembre 2015 à partir de 13h pour dédicacer son livre « Je suis juive mais je me soigne » (Jungle).
Vous pourrez également retrouver Alain Granat et Jonathan Demayo, qui dédicaceront à la table d’à-côté leur livre « Comment savoir si vous êtes juif » (J’ai Lu). 
 

 
 
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Article publié le 13 novembre 2012. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2015 Jewpop

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