Les Héritiers

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Je ne comptais pas spécialement m’épancher sur Les Héritiers parce qu’en ce moment, je fais plein de trucs en même temps comme m’engueuler avec les gens, dire que je veux des enfants, songer à trouver un amant, trouver Cyril Hanouna marrant sans oser le dire à qui que ce soit de peur d’encore plus m’engueuler avec les gens justement. Bref, je n’allais pas vous parler de ce film-là, mais je me dois de faire mon Patrick Bruel et de vous pondre à mon tour mon Qui a le droit.
 
Pitch : Dans le lycée Léon Blum de Créteil, une professeure d’histoire inscrit sa classe de seconde tendance esprits rebelles à un concours ayant pour thème : « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi. »
 

Être antisémite ou pas, une simple question de Shoah?

 
Le jour de la sortie du film, triste coïncidence, une jeune fille se faisait violer parce que son agresseur la croyait juive. C’est ce qui me pousse aujourd’hui à écrire, parce qu’il est triste et important, ce double-événement.
« Encore un film sur les juifs… », pensent la plupart des gens, mais attention, pas n’importe quel film sur les juifs, pourrais-je rajouter par pure provocation : un film sur les juifs, les musulmans et les chrétiens en milieu urbain, bah tiens.
Aborder la question juive par le prisme d’un contexte de mixité sociale, de lycée à « problèmes », d’enseignement périlleux, c’est comme faire manger à des enfants des légumes grâce aux super bonnes galettes Bonduelle ou Picard, du poisson grâce au poisson pané, ou de s’éveiller à la littérature avec Beigbeder. Ce n’est pas forcément des plus raffinés mais ça se mange bien et ça se digère aussi. C’est « sympa ». « Ça passe». Alors que les légumes, ça s’épluche et c’est tout triste, le poisson, c’est dangereux avec ses arêtes et Chateaubriand et ses 54 pages pour décrire une brosse à dents, c’est chiant.
Inutile de montrer aujourd’hui Nuit et brouillard à des adolescents dont le plus grand effort intellectuel consiste à regarder Soda en s’envoyant des autocollants virtuels sur Facebook.
Comment oser dire en France que l’antisémitisme existe tout autant que le racisme, la misogynie, l’homophobie ? Renseignez-vous autour de vous et abordez le thème des juifs : à part de la bouche de ces derniers, personne (ou une minorité) ne reconnaîtra que l’antisémitisme existe. Je vais loin mais c’est vrai, je vous le promets.
Bref, je trouve ça culotté, dans cette période de repli communautaire (il n’y a qu’à me voir : je ne traîne plus qu’avec des blondes d’1m80, à savoir personne) et cinématographiquement « instagramesque »  (Lars Von Trier, Xavier Dolan, Wes Anderson…) d’oser sortir un film qui parle de nazisme dans un contexte de mixité sociale. Et pire, de montrer une enseignante de ZEP brillante, sponsorisée par la Camif et qui fait péter du Zara les soirs de gala.
Vous l’aurez compris, ce film n’est pas une bombe stylistique cinématographiquement parlant, il y a de la musique tire-larmes un peu trop souvent, notamment Clair de Lune de Debussy pour masquer les wesh gros j’ai le seum, mon frère t’sais, mais ce plan tourné en une seule fois où un ancien déporté, Léon Zygel, vient parler aux ados, moi il m’a mise KO.
 

Mais Mélanie, vous êtes juive ?

 
J’ai été élevée dans le plus grand des athéismes, même si mes parents me glissaient à l’oreille que les Protestants, c’étaient les meilleurs, parce que Renaud et Jospin, évidemment.
J’ai pourtant pleuré toutes les larmes de mon corps devant la détresse de tous ces élèves de seconde (ce ne sont plus des acteurs, ce sont des élèves tellement ils sont incarnés, la vérité) face à la découverte du passé, de notre passé.
Avant le communautarisme et la montée de l’antisémitisme en France, avant que des gens disent le plus naturellement du monde « De toutes façons, les juifs, ils traînent qu’entre eux. », un film comme La Haine avait du succès.
Dans La Haine, y avait un juif, même que c’était Vincent Cassel, même que tous les jeunes l’adorent encore. Et moi aussi, parce qu’il est fort.
Alors, qui a le droit de dire que les juifs ne restent qu’entre eux ?
Qui a le droit de faire ça à des enfants, à qui l’on ment?
Peut-être trouverez-vous la réponse dans ce film qui fait du bien, tatatin.
Au-delà de la question juive, ce film voue un culte à certains enseignants, même si l’étant moi-même, je vous jure que cette image des Bisounours est quelque peu biaisée et que dans Bourdieu, y a Dieu.
Mais revenons-en à l’essentiel : on passe sa vie à dire merci. Merci à qui ? À Ariane Ascaride, pardi.
 
Mélanie Klein
Chronique publiée sur le blog Mon Cinéma, reproduite avec l’aimable autorisation de son auteur.
La bande-annonce du film Les Héritiers, un film de Marie-Castille Mention-Schaar :

© photos : Guy Ferrandis

Article publié le 5 décembre 2014

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