Les mots de Ronit Elkabetz

7 minutes de lecture

 
Lundi 11 avril, la Fondation du Judaïsme Français décernait à Ronit Elkabetz le prix de soutien à la création Francine et Antoine Bernheim pour les Arts. Les membres du jury de ce prix, présidé par Dominique Bourel, et parmi lesquels j’ai l’honneur de figurer, étaient particulièrement fiers et heureux de ce choix pour cette édition 2016, qui, après nos débats habituels, s’était imposé comme une évidence. Ronit Elkabetz ne vint hélas pas ce soir là, nous ne nous doutions pas de la raison de son absence, et son prix fut remis à son agent, Christopher Robba.
 
Comme il est d’usage lors de cette belle remise de prix organisée par Gérard Rabinovitch et Nathalie Serfaty au Théâtre du Vieux Colombier, sa carrière avait fait l’objet d’une brillante présentation par l’un des jurés. Ce soir-là, Samuel Blumenfeld,  journaliste cinéma au Monde, qui connaissait particulièrement bien l’actrice, scénariste et réalisatrice israélienne, eut la rude tâche de s’adresser à une lauréate absente. L’émotion était pourtant omniprésente, comme si Ronit Elkabetz, à la façon des acteurs mythiques qui habitent certaines scènes, était avec nous pour écouter cet hommage. Un texte de remerciement, peut-être l’une de ses dernières lettres, fut transmis par l’actrice à cette occasion, et lu avec sensibilité et conviction par Nathalie Serfaty, directrice des Programmes et des relations avec les Fondations. C’est avec une infinie tristesse que nous le partageons, en sa mémoire.

 
Alain Granat
 
Dès le  moment où s’est révélé à moi l’univers magique de la création cinématographique, je me suis engagée sur un long et passionnant chemin. Dès cet instant-là, j’ai su quelle serait ma voie, quel serait mon rôle en tant que créatrice et en tant qu’artiste, et j’ai cherché à explorer et à présenter la réalité humaine et sociale avec la plus grande authenticité, de la manière la plus totale, sans concessions et sans prendre de raccourci.
Ce choix qui est le mien s’accompagne d’un puissant désir et d’une ardente volonté de contribuer à améliorer et à façonner la réalité du monde dans lequel nous vivons.
Ce Prix que vous m’attribuez aujourd’hui me renforce car il signifie que tout au long de mes années de création,  vous avez suivi mon travail et vous avez fait partie intégrante de mon parcours. Savoir cela me réchauffe le cœur et me renforce dans l’idée que je suis sur le bon chemin.
Vous me voyez et vous m’accompagnez. Et j’ai l’impression que vous êtes des partenaires à part entière de ma création artistique. Et à mes yeux, cela n’est en rien évident.
La France est ma deuxième maison, elle est chère à mon cœur.
Nous nous trouvons dans un moment difficile, dans le monde en général, en France et en Israël en particulier. Dans cette période, bien loin d’être simple, nous nous devons de réévaluer notre place et notre rôle. Avons-nous fait suffisamment d’effort pour comprendre et accepter l’autre ? Notre attention vis-à-vis d’une œuvre qui présente l’autre, en traçant une ligne claire qui permette une connexion entre des différences au plan culturel mais pas au plan existentiel, exprime une volonté de tendre à l’unité et à une meilleure compréhension ; elle exprime les valeurs d’humanité, d’union et de fraternité.
Tout au long des années, j’ai interprété des rôles de femmes de la société israélienne et de la société française. Toutes semblaient différentes, pourtant, à chaque fois, j’étais guidée par la même impulsion personnelle, ma propre aspiration à la liberté, à l’autonomie, à l’expression totale de mon être en tant que femme et en tant qu’individu libre dans le monde. A mon sens, notre point de départ en tant que femmes, aussi bien dans la vie de tous les jours qu’au cinéma, doit être de nous assumer en tant que personnes égales, fortes, capables de trouver la place qui nous est due et qui nous convient, sans avoir à faire d’effort particulier. Car c’est la place que nous méritons et que mérite tout individu.
C’est un grand honneur pour moi de faire partie avec vous de ce tissu humain capable de démontrer tant d’empathie et de responsabilité vis-à-vis du monde et je vous suis reconnaissante de votre soutien et de votre appréciation de mon oeuvre et de ma voie cinématographique.
Du fond du cœur, merci.
Ronit Elkabetz
Revoir Ronit Elkabetz dans la bande-annonce du film Le procès de Viviane Amsalem

Article publié le 20 avril 2016. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2016 Jewpop

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

S'abonner à la jewsletter

Jewpop a besoin de vous !

Les mendiants de l'humour

#FaisPasTonJuif