Pourquoi nous sommes tous devenus Juifs ? La thèse passionnante de l'historien Yuri Slezkine

4 minutes de lecture

 
« Le Siècle juif » (Editions La Découverte), de Yuri Slezkine, professeur d’histoire à Berkeley et spécialiste de la question nationale en URSS, propose une brillante réflexion sur l’identité juive et sur la dimension juive de l’homme moderne au XXème siècle.
 
Partant du principe de l’opposition entre «  Apolloniens » et « Mercuriens », termes désignant d’un côté les hommes et les femmes attachés à la terre et à la tribu, et, de l’autre, ceux qui descendent du messager Hermès, nomades capables d’échanger leurs différentes formes de savoir, Slezkine, dans la première partie de son livre, montre combien la condition des Juifs, ces « nomades fonctionnels les plus doués de la planète », est similaire à celle d’autres peuples. Tels les Chinois en Asie, ou encore la caste indienne des Parsis, lorsque ces paysans furent transplantés en Afrique de l’Est face aux natifs ougandais ou kenyans, engendrant à la fois dépendance et jalousie à leur égard. Les parallèles qu’il étudie entre goyim et Juifs, gadjos et gitans, thaïs et chinois, paysans latino-américains et commerçants « turcos » (syro-libanais), bref  « Mercuriens » et « Apolliniens », dans le champ de l’imaginaire et dans celui de la division du travail, sont à ce titre édifiants et démontrent bien comment l’antisémitisme qui a sévi en Europe de l’Est s’enracine dans des représentations anthropologiques universelles.
 
La suite du livre, extrêmement riche en notes littéraires (de Babel à Sholem Aleichem, en passant  par Joyce et Pouchkine) et statistiques (en particulier sur le rôle prépondérant des Juifs dans la révolution bolchévique) déroule une passionnante étude sur les Juifs inventeurs de la modernité marxiste et freudienne puis porteurs, avec le sionisme, du « plus excentrique des nationalismes », pour finir sur les grandes « Terres promises » au XXe siècle que furent pour les Juifs la Russie soviétique, l’Amérique capitaliste et libérale et Israël, État « apollonien » par excellence.
 

 
Pour l’auteur, « L’Âge moderne est l’Âge des juifs, et le XXème siècle est le Siècle des Juifs. La modernité signifie que chacun d’entre nous devient urbain, mobile, éduqué, professionnellement flexible… En d’autres termes, la modernité, c’est le fait que nous sommes tous devenus juifs. ». Élu par le magazine  Lire « Meilleur livre de l’année 2009» dans la catégorie Histoire, cet ouvrage étonnant et provocateur, qui a connu un immense retentissement et suscité de nombreuses polémiques lors de sa parution aux États-Unis en 2004, n’est pas qu’une « autre histoire » du peuple juif, mais bien une œuvre indispensable pour comprendre le monde actuel.
 
Alain Granat
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© photos : DR

Article publié le 15 mars 2010. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2017 Jewpop

3 Comments

  1. Effectivement, c'est un livre remarquable. On y apprend notamment que Lenine était d'origine juive par l'une de ses grand-mère, et que Staline avait "étouffé" ce fait…

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