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Nos années BBYO

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Les cheveux blonds et le crocodile sur ton blouson sont restés coincés dans le Walkman des années 80. Quand le Discman débarque et que Les Nuls passent de Canal au grand écran, il est temps de prendre le large, on lâche les pompes Palladium et on se jure de passer un été de rêve avec les potes. Dernier arrêt pour ralentir la foulée vers l’âge adulte et, avant le bac, il y aura le BBYO… Et là, on vise la mention Très bien.

La fin des années 90 est de folie. Aéroport de Roissy, terminal 9. On se croirait à la sortie de Kippour. On a attendu 25h de jeûne à mourir de faim, de soif et d’ennui, pour rêver d’éclater un boulou et assécher une citerne de citronnade, mais, une poignée de minutes après le shofar, on est encore scotché aux barrières de sécurité. A taper la discute, parler business et mater les filles qui s’esquivent de la méhitsa pour enfin cloper. Le hall d’enregistrement des départs du BBYO, c’était la même. Une manif pro-Israël les drapeaux en moins, de la peau mate et des cheveux frisés à tous les angles, Timberland ou Carolina aux pieds, Levi’s déchirés aux genoux et tous les accessoires qui vont avec. Yavné, Maïmo’, les plus blindés de Neuilly et du 16ème s’exportent en groupe de groupies d’eux-mêmes. Welcome on Jewish board, le starter vaut mieux que le bomber quand on part avec El-Al.

Dix plaques le voyage en Israël, le sionisme mensuel de l’année commence par un gros chèque réglé cash. Comme le kif qu’on s’est promis. Theodore Hertzl et Jabotinsky ambiance Marithé François Girbaud, des jeans à mille balles pour le shabbat dans la valise. Et un gilet de costume trois-pièces sur la chemise bariolée, j’emporte aussi le tee-shirt blanc sous la chemise toute aussi immaculée, façon Delarue à ses débuts. Merde, faudra pas oublier les téfilines et la kippa comme l’an passé, j’avais l’air trop naze au Kotel, quand on essayait avec l’appareil photo jetable de trouver la bonne distance. BI-BI-WA-YO ! Safari 1 ? Safari 2 ? Tout le monde est paré, la Nike Air rugit dans les starting-blocks. Le grunge est goy, le feuj est chalala.

On peut embarquer, on a repéré la bombasse et il faut en parler. La communauté va truster le tarmac et, en vol, rendre fou des stewards anciens paras des unités d’élite, quand la bande de Saint-Mandé voudra fumer aux toilettes ou draguer l’hôtesse en jetant des œillères aux jolies meufs des rangs de devant. Des monos ? Quels monos ? Juste des G.O. post-adolescents façon Club Med, avec des Reebok Pump aux pieds qui vont se gaver un été, à organiser tiyoulim, visites-spectacles à Yad Vashem, musée de l’Indépendance et bains de boue à la Mer Morte. Et la nuit, on écume les boîtes de nuit. Ein Guedi, c’est peut-être là où s’est caché le Roi David pour échapper à Saül, mais moi, c’est là où j’ai pécho la petite Bismuth, la fille du patron Naf-Naf. Pas de ruines antiques prévues dans la virée, même si mon père s’est saigné pour le crédit qu’il a contracté pour me la payer.

Photo représentant de jeunes touristes juifs sur des chameaux en Israël Jewpop

Mon colo-bar, c’était ma première cuite dans une auberge de jeunesse de Netanya, où j’ai découvert que le houmous passe mal avec la vodka. BBYO Spirit. On devait avoir le Spirit, j’ai eu la gerbe. Mais j’ai remis ça le lendemain. Au Safari 3, nous sommes des bombes atomiques, on naît darka, on ne le devient pas.

– « Aujourd’hui, excursions chez les bédouins ! On va boire le thé, danser avec eux et la plus belle sera achetée en chameaux et en dollars ! »
– « Ils ont une herbe de folie les bédouins. Et elle ne coûte rien en shekels. On va kiffer ! »

J’aurais pu me taper trois fois par jour la amida et du d’var torah chez Tikvaténou, ou enquiller des chants de guerre et des documentaires sur les pionniers pendant la guerre d’Indépendance au Bétar. Au BBYO, j’ai préféré éreinter l’enveloppe d’argent de poche, collectionner les tee-shirts Hard Rock Café, et on a intérêt à faire du jet-ski à Eilat ou avec mes potes, on casse tout. De toute façon, c’est une tradition, l’hôtel on le dévaste, on s’en fout, la tayélète est à nous et le pays un peu aussi quelque part… Ils doivent nous prendre pour des dingues ces soldats de dix-huit ans, à nous voir à la mode de l’époque, une tétine autour du cou, un tee-shirt Mickey ou Superman, et de l’oseille à dépenser à chaque Canyon, tout claquer à Ben Yehuda. Ramener des souvenirs d’Israël quand on est juif, c’est comme ramener un bocal de couscous chez ta grand-mère, ça n’a aucun sens.

– « Ca vous dit qu’on aille voir le tombeau des plus grands kabbalistes à T’sfat ? »
– « On préfère aller pécho des russes à Tel-Aviv, quand on en sortira, ce sera le cimetière de la virginité du p’tit Kalfon ».

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BBYO, enfant illégitime du Bnai Brith. Les fils de l’Alliance la porteront en or blanc. En platine. Personne n’imagine que le Bnai Brith, avant qu’il ne crée dans les années 20 ce qui allait devenir la colonie intersidérale du mois d’août, s’est calqué sur la franc-maçonnerie en devenant une organisation de soutien et de bienfaisance. Personne ne nous a jamais expliqué qui étaient leurs fondateurs et quels buts poursuivaient-ils, de la même façon que le seul israélien avec qui on a vraiment tchatché était le chauffeur du car, qu’on retournait à chaque déplacement et grands renforts de cris à l’arrière. Il y avait aussi, c’est vrai, le soldat qui nous accompagnait. Je me souviens encore de son prénom, israélien comme on n’imaginait pas, Itar, Boaz ou Lyran, et il n’a jamais décroché un mot, agrippé à sa Uzi quand on arpentait le Golan et Massada, ce qui suffisait à rendre hystériques toutes les vierges mais pas martyres du groupe.

C’était bon, tellement bon d’être encore l’enfant-roi pendant un mois, une éternité quand on est ado. Déconner à pleins tubes sur fond d’Eyal Golan, I like to Move It Move It et Sing Halleluya. J’adore. Dior j’adore et le BBYO, je dévore. On est venu en branque, on repartira en bande. Pour la vie je ne sais pas, mais pour le moment, on ne se lâchera pas même si la fin de l’été arrive à grand pas… Le mois de septembre et son lot de questions, interrogations existentielles lourdes de conséquences et d’enjeux. Il va falloir grandir et prendre les bonnes décisions. Accepter d’aller de l’avant et ne plus être égoïste. Bref, on se retrouve où à la rentrée ? A Opéra devant Lancel ? Devant le Pub Renault ou directement au Haagen Dazs des Champs-Elysées ? BI-BI-WA-YO !

Benjamin Médioni

Article publié le 12 mars 2013. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2019 Jewpop
Photos et visuels © DR
 

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