Tout sur mon frère

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Etre la cadette de 4 frères dans une famille juive séfarade, c’est un peu comme se faire serrer par les flics pour deal alors que ton permis de séjour a expiré depuis 5 ans. T’as autant de chances d’en sortir que Philippe Poutou – candidat NPA aux présidentielles – d’être au second tour. Bref, t’es dans la merde. « D’où tu crois que tu vas sortir ? », « T’es maquillée ou je rêve ? », « C’est qui ce mec ? », « Pourquoi il veut dîner ? Un déjeuner c’est mieux ». « Ta copine Sonia, je veux plus la voir, elle a une mauvaise influence sur toi ». Et dans cette configuration où tu as le choix entre « rien faire » et « pas bouger », l’arrivée successive de tes belles-sœurs dans la famille sonne comme une délivrance. A chaque mariage d’un de ses garçons, ma mère pleurait des semaines dans la cuisine pendant que moi, dans le couloir tapissé de marron et de jaune, je faisais la danse de la joie sur l’air de « Freedom » avec mon walkman autoreverse s’il vous plaît. Alors qu’importe, qu’elles soient dépensières, vulgaires ou simplement idiotes, j’aime mes belles-sœurs car elles m’ont libéré des 4 grands cons qui à tour de rôle et sans relâche ont fait le pied de grue devant ma chambre, qu’à côté les geôliers de Ghesquière et Taponier c’était Mary Poppins.
 
Et parmi toutes mes belles sœurs, celle que je préfère c’est Betty, la femme de mon frère aîné. Stéphane, comment vous dire… Un jour de novembre 78, ma mère lui a dit « Surveille ta sœur 10 minutes, je vais faire les commissions ». Et bien il a entendu «  Tu veilles sur elle, même pas tu la quittes des yeux jusqu’à ce qu’elle se marie ». Discuter avec mon frère aîné, c’est comme essayer de parlementer avec la musique d’attente de Pôle Emploi. Donc Betty qui a choisi – en parfaite possession de ses moyens – de l’épouser, franchement, c’est une sainte. Et comme toutes les saintes, elle est persuadée de tout savoir. Moi bonne pâte, je me tais parce que si elle savait vraiment TOUT sur mon frère …
 
– Il a eu ses premiers émois devant Clio Goldsmith : oui longtemps, Stéphane s’est pris pour Richard Berry dans « Le Grand Pardon ». En bon ado au début des années 80, il avait punaisé sa photo sur la tête de son lit superposé et collectionnait tous les articles sur la carrière de l’actrice qui, pour le plus grand bonheur de ma mère, a arrêté le cinéma en 1984. Ne doutant pas un instant du pouvoir de séduction de son fils, elle lui avait posé un ultimatum : « Que tu épouses une ashkénaze, Stéphane, passe encore. Mais moi vivante, une fille qui montre ses seins à la télé, elle ne rentre pas chez moi, sur la vie de Pépé Babot ! »
 
– Il a fait Techouva après avoir rencontré le Rabbi de Loubavitch : après son bac, il est parti avec trois copains à New York. Comme à chaque fois, ma mère à jeté de l’eau par terre quand il a passé la porte. Elle avait tout prévu. Qu’il reviendrait riche, star de cinéma, roi du pétrole, mais certainement pas Habad. A court d’argent après avoir erré 48 heures dans Brooklyn, Stéphane et ses 3 potes avaient atterri au 770, la synagogue du Rabbi Menahem Mendel Schneerson. Et là, comme Bernadette Soubirou dans la grotte, il a vu Dieu. Moi qui pensait qu’il me rapporterait des Nike, des Timberland, des tee-shirts UCLA, je l’ai vu arriver avec des porte-clés avec la tête du Rabbi, des bougeoirs avec la tête du Rabbi, un couvre-pain avec la tête du Rabbi, etc… Je vous rassure, ça a duré 4 mois. Oui, quand le classico OM-PSG, tombe un vendredi, c’est une question de priorité.
 
– Betty n’est pas la première fille qu’il a présentée à mes parents : avant elle, y a eu Brigitte. Brigitte Bridou. Une infirmière bretonne blonde même pas décolorée comme ma mère, une vraie blonde. Elle est venue avec des chocolats, elle a parlé d’elle, de ses parents retraités en Sologne, de son frère qui était séminariste à Calcutta. Elle parlait, parlait, parlait. Quand mon père a redemandé pour la 7e fois : « Mais vous vous appelez Bridou comme les saucisses de cochon ? », elle a compris que c’était le moment de partir. Le soir, dans le salon, on a entendu ma mère hurler : « Tu emmènes une goy chez moi. Tu veux me tuer ou quoi ? Ecoute-moi bien, Stéphane, moi vivante tu l’épouseras jamais, même après ma mort d’ailleurs ! Bon écoute, j’ai changé d’avis, même si elle a montré ses seins à la télé, pour Clito Goldblum je suis d’accord ».
 

The SefWoman

 
Ma philosophie se situe entre « A Kippour tout le monde pardonne, sauf moi » (Raymond Bettoun) et « Dieu n’existe pas, mais nous sommes son peuple » (Woody Allen)
 

 
 
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