Qu’est-ce que j’ai fait pour avoir des enfants juifs de gauche ?

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« Qu’est-ce que j’ai fait pour avoir des enfants juifs de gauche ? » Punch line sépharade du meilleur goût. Baromètre de la culpabilité au maximum. Le débat est lancé. Mon père vient d’apprendre par téléphone que sa fille (juive et de gauche, donc) a voté à la primaire pour « Ali Juppé ». Pire, que son fils pourrait voter Macron, animal politique caméléon, donc forcément de gauche.
 
Un affront, presque un reniement. Parce que « chez nous », on vote pour ceux qui sont « bons pour nous ». En d’autres termes, il faut voter « juif » avant de voter « français ». Voter relation de la France avec Israël, avant de voter programme économique et social.
Dans la tête de mon père, une image en mode repeat : 1996, Jacques Chirac sermonne les services de sécurité israéliens et devient par conséquent, pour les sionistes chevronnés, un ennemi d’Israël.
Et puisqu’Alain Juppé se veut chiraquien, il hérite aussi de ses casseroles, en tout cas pour certains.
 

Le débat continue, les décibels et le mercure montent

 
« Tu crois qu’il va nous défendre, lui, contre les antisémites ? » Deuxième Punch line. Voter « juif », c’est aussi voter avec sa peur. Repérer le candidat qui surfera le plus dessus, celui qui rassure.
Sur ce point, la vision selon laquelle Alain Juppé défendrait la communauté musulmane au détriment de la communauté juive n’est malheureusement pas l’apanage de mon père. Et d’ailleurs, comment « Ali Juppé », soupçonné d’être un allié des Frères Musulmans, pourrait-il défendre les juifs ?
C’est comme gravé dans la roche, si on veut lutter contre le terrorisme en évitant le terrain miné de l’islamophobie, on devient « mou », on devient « faible ». On devient, sans le vouloir, un défenseur des intégristes musulmans. Ce qui revient, forcément, à être antisémite.
La boucle est bouclée et honte à ceux qui ne comprendraient pas cette logique implacable. Vous remarquerez que la probabilité pour François Fillon de mettre en avant « les valeurs catholiques » ne rentre pas en ligne de compte. Du haut de ses origines juives tunisiennes, mon père sait reconnaître les « racines chrétiennes » de la France.
 

Uppercut final. KO technique

 
«Si c’est la gauche qui passe en 2017, je pars m’installer en Israël ! »
Il paraît que l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Apparemment, même dans le désert. C’est bien connu, la gauche est un vrai moteur à Alya.
Je me suis bien gardée de soulever le tabou des juifs français, partis en Israël et revenus dans l’Hexagone, déçus de leur « voyage identitaire ». La probabilité qu’un juif ne trouve pas en sa terre promise l’eldorado, est une idée qui est insupportable à mon père.
Mais trop de polémique tue la polémique.
Allez, une petite dernière, quand même, au passage :
François Fillon, au micro d’Europe 1 ce mercredi, a peut-être fait déraper le « vote par judéité » en mêlant la communauté juive à la montée de l’intégrisme religieux. Les réactions ne se sont pas faites attendre, mais la polémique sera-t-elle assez forte pour accueillir Ali à bras ouvert ? À suivre…
 
Tal Journo
 
© photo : DR
Article publié le 23 novembre 2016. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2016 Jewpop

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