En quête de sommeil

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Le monde sans sommeil des enquêteurs, des sondeurs, des phraseurs, s’agite du soir au matin, en perpétuelle alerte. Comme si les juifs n’avaient pas assez de soucis, il fallait encore leur gâcher leur nuit ?
 
Car, nous y revoilà. Cymbales, trombones et tambours l’annoncent triomphalement. Les scores sont au-dessus de toutes nos espérances. Victoire ! Plus d’un milliard d’individus dans le monde sont antisémites nous régalent ADL, tandis que JForum (si sagace déjà sur l’enquête du FRA) et Siona nous lacèrent d’un 76% d’inquiétude des juifs de France. «Condamnation sans appel», «La France est gangrénée», «Le réveil est tardif, trop tardif», persistent-ils. Tabor Béla, philosophe juif hongrois, prisonnier en Hongrie dans les camps généreusement attribués aux juifs puis déporté à Auschwitz, puis encore dissident sous l’ère communiste, écrivait déjà en 1939, dans « Les deux voies du judaïsme » :
“Qui sont d’abord ceux qui se réclament juifs : ceux marqués par les coups subis à l’encontre des juifs ; les marques de coups brûlent encore leur corps, transformant leur brûlure en une identité juive ?”.
 

 
La Fatigue, la grande fatigue. La si grande fatigue… De tout, mais des sondages aussi. Dans ce concert de cris, et dans l’urgence évidente dans laquelle les juifs d’Europe se trouvent, il serait temps qu’une voix construite, prenne le bâton. Et justement ! Je profite de la Parachah « Badmidmar » (Dans le désert) qui précède Chavouot,  pour m’interroger à nouveau sur la révélation des Lois, en plein désert. Car, diable, pourquoi donc sur une terre si aride, et sur laquelle même les imprécateurs eurent aussi leur heure de gloire ?
Pour une fois, honneur aux Dames ! Marek Halter qui a consacré quelques flamboyantes envolées sur les Femmes de la Bible, n’a bien entendu pas renoncé devant la difficulté narrative de l’histoire exemplaire de la femme de Moïse : Tsippora¹. Si peu a été écrit en français sur les femmes de la Bible, leur rôle essentiel toujours, énigmatique quelquefois. Enfin, un auteur qui s’y intéresse de près. De très près. De très très près.
Permettez- moi d’illustrer, si je puis dire :Moïse sortait enfin la tête de l’eau, rejetait ses cheveux sur le côté (sic!), se passait la main sur le visage […] Ce qu’elle ne pouvait voir, ses yeux, sa bouche, la coulée de l’eau contre ses tempes, Tsippora voulait les imaginer. La bouche grande ouverte, les paupières serrées, elle reprit son souffle.” Vous connaissiez ce bon vieux Moïse ouvrant le chemin à tout un peuple, lui conférant son unicité, ses lois, sa «difficile liberté», mais saviez-vous que son corps sculpté sortant des eaux, en avait fait suer plus d’une ?
 

 
Permettez encore :La plage et la mer étaient vides. Moïse était là, à une quinzaine de pas. Sa pêche (re-sic !) se balançait au jonc négligemment posé sur son épaule. […] Tsippora ne se sentait pas même capable de soulever la poche d’eau. Elle savait parfaitement boire au jet d’une gourde. Mais Moïse la leva pour elle. L’eau jaillit, gicla, éclaboussa son menton et sa joue (re-re-sic !).”
Et dire que l’on était jadis pris de Parkinson aux grandes heures d’écoute devant les films brouillés de Canal Plus… Quand tout est si clair, pourtant.
Pour la première fois elle voyait le visage nu d’un homme. Et celui de Moïse révélait une jeunesse, une fragilité inattendues et attirantes. Et tellement impudique !
En effet, ce serait impudique à moins…
Tsiporra n’a ouvert ses cuisses à Moïse que pour me le prendre ! Dans ses yeux j’ai vu qu’il me choisissait moi ! Un rire de folie déforma ce qui restait de la beauté d’Orma”
Une petite dernière citation pour la route ?
«Tsippora sourit encore et chuchota : “Quand tu désires voir mon ventre, nul besoin de courir les pâturages avec ton troupeau. Viens près de moi.” Moïse rougit.»
 

 
Le désert de toute évidence a chauffé les esprits de certains. Je ne voudrais bien entendu pas jouer ma pétroleuse, mais Tsippora sur qui gicle la gourde ou le gourdin, sauva Moïse et la promesse qu’il portait. Tsippora, la femme, l’étrangère, la Médianite, accomplira la continuité de l’Alliance depuis Abraham, par laquelle elle rendra à nouveau au peuple sa pérennité.
Matriarche érotisée jusqu’à son dénuement (et non sa nudité) ? Sondage tonitruant comme si l’être juif découlait de l’imprécation ?
Il ne nous manque plus qu’un bon petit scandale au Consistoire, une déclaration ou un jeu de mot dont seul Roger Cukierman a le secret, et nous pourrons, sans rougir, nous flatter de donner enfin raison à Jethro.
Un jour, un juif, pour la première fois, devient Président des États-Unis. Il appelle aussitôt sa mère qu’il convie à la cérémonie d’investiture. « Mais mon fils, tu sais bien que je mange casher !« . Son fils lui fait bien entendu comprendre qu’en tant que Président il pourra lui fournir tous les mets casher du monde. “Et comment je vais me rendre jusqu’à là bas ?”, gémit encore la mère, à quoi le fils Président lui assure qu’une voiture sera à sa disposition. Le jour de l’investiture, la mère est placée entre les membres de la Cour Suprême de Justice et ceux des plus grands ministères. En pleine cérémonie, elle se penche vers son voisin, et lui assène « Vous voyez ce garçon qui prête serment sur la Bible, et bien son frère est médecin !« .
Allons, juifs français ! Oubliez le rêve d’“élection” ! Avec un ou deux guet-apens de plus, on est tous bons pour être médecins en Egypte. Haut les cœurs ! C’est quand même mieux que les pyramides.
 
Daniella Pinkstein
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¹ Marek Halter, Tsippora Roman, «La Bible au Féminin», Robert Laffont 2003
© photos : DR

Article publié le 27 mai 2014. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2014 Jewpop
 

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