Si une souris était un homme, ce serait Art Spiegelman

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Tout le monde, ou presque, connaît Art Spiegelman, et sa bande dessinée MAUS, sur le thème de la mémoire de la Shoah. Au cas où certains auraient un petit flou de mémoire, ce qui suit devrait le dissiper. Personnellement, la découverte de cet auteur à ses débuts a été une révélation, pour deux raisons.
Premièrement, cet art, jugé mineur par tant d’adultes de la génération de mes parents, parvenait enfin à être reconnu, aux États-Unis de surcroît, en abordant un sujet ô combien douloureux.
Deuxièmement, cela m’a permis de commencer à faire découvrir le dit sujet à mes élèves, à petits pas, je l’avoue, dans le cadre de leurs cours d’anglais.
Ce n’est qu’une hypothèse audacieuse que je formule ici, mais ce serait intéressant de penser que les images de ces souris chassées par les chats et leurs dialogues inscrits dans des phylactères aient aussi pu être à l’origine de la libération de la parole.
 

Quand on sait que les premiers témoins de la déportation ont seulement commencé à parler publiquement de leur expérience dans les années 90 (en France), on ne peut que se demander si le livre d’Art Spiegelman, publié il y a 25 ans, n’a pas été le déclencheur de la parole de certains rescapés des camps, quand il a été traduit en français. Il a certainement été à l’origine du questionnement de leurs enfants adultes à l’époque, qui, à l’image du personnage central de la BD, vivaient souvent une relation douloureuse avec leur parent survivant.
Et cela a probablement facilité ensuite les témoignages publics, si nécessaires pour eux, et nous tous. À une époque où l’on réfute ici et là la nécessité du travail de mémoire, et où Art Spiegelman lui-même refuse d’être considéré comme « l’Elie Wiesel de la bande dessinée » ( !) je trouve admirable qu’un festival, axé sur les jeunes lecteurs en particulier, mette ainsi le projecteur majeur sur ce créateur qui a su faire appréhender l’indicible du passé par le biais d’un medium accessible au plus grand nombre. Le voilà Président du festival de B.D. d’Angoulême ! Chapeau bas.
Avant qu’il ne tourne définitivement cette page, (voir ici) il a publié son dernier ouvrage, METAMAUS, qui raconte les dessous de la création de la fameuse bd. Il contient de nombreuses archives et un DVD. Bravo aussi à la sortie numérique du « Musée privé d’Art Spiegelman », en lieu et place d’un catalogue du Festival.
 

 
Comme quoi, parler du passé ne signifie pas que l’on soit fermé à l’avenir que représente la publication en numérique. Et comme le dit la presse avec humour, il y a quand même un « maousse » buzz autour d’un auteur qui ne veut plus entendre parler de son sujet !
 
Cathie Fidler
Cathie Fidler est écrivain, auteur de Histoires floues, La Retricoteuse
Gratitude, le blog de Cathie Fidler
Ecouter Art Spiegelman, invité de l’émission de France Inter « Le Grand entretien », animée par François Busnel (mardi 24 janvier 2012)
Voir le trailer de Metamaus
 

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